#VendrediEcrit-1 : Don quichotte est un idiot - River Maziken.


Bienvenue à ce #VendrediEcrit numéro 1 ! Aujourd'hui ce sera une nouvelle de River Maziken ! Toute nouvelle sur Wattpad : River Maziken. Sans plus d'attente voici sa nouvelle: 

DON QUICHOTTE EST UN IDIOT: 



Il n’y a rien au monde de plus contraire à la nature, toute raisonnable, que l’injustice. La liberté est donc naturelle ; c’est pourquoi, à mon avis, nous ne sommes pas seulement nés avec elle, mais aussi avec la passion de la défendre.

Discours de la servitude volontaire, La Boëtie.



Don Quichotte est un idiot.

   Il n’aurait jamais dû quitter le confort de sa maison pour partir à l’aventure. Honnêtement, s’il voulait réellement accomplir des exploits, il aurait pu s’y prendre autrement. N’y avait-il pas des gens qui avaient besoin d’aide dans sa ville ? Des pauvres, des ouvriers, des orphelins…. Mais non, encore un de ses hommes, riche empli de rêve, avide de gloire et d’aventure, se lançant dans un voyage vers le grand inconnu sans avoir la moindre idée que ses actes impacteraient le reste d’entre nous. C’était comme ces idiots, ceux qui, en voulant « sauver l’humanité », n’avaient fait que polluer l’air et proliférer des maladies, en tuant quatre-vingt-quatre pour cent de la population en moins deux ans.

   En refermant l’ouvrage de Cervantès, je réalise que débattre sur la mentalité de Don Quichotte, plus de quatre cent cinquante ans après son écriture ne présente aucun intérêt. Et, avec tout l’amour que je porte à mon fidèle compagnon, Everest n’a jamais été très bon pour les débats littéraires. Seul dans cette grande bibliothèque, il me regarde profondément. Everest aime beaucoup la lecture, souvent, il s’allonge près de moi, pose sa truffe humide sur mes genoux, et s’endort au son de ma voix. Mais pas aujourd’hui. Aujourd’hui, le son de ma voix ne peut l’aider, il ne peut trouver le sommeil. Comme moi, son ventre le tiraille depuis bien trop longtemps.

   Je regarde dehors. La neige est encore présente, mais le soleil commence à reprendre ses droits. Bientôt, nous serons capables de sortir, et avec un peu de chance, nous trouverons de quoi nous sustenter. Everest a besoin de nourriture, rapidement, et moi aussi. Mourir de faim n’est pas une fin très agréable.   Beaucoup dans ma situation n’aurait pas réfléchi plus longtemps. Je n’avais pas mangé depuis près de neuf jours, et je vivais avec cette magnifique créature argentée d’un mètre cinquante, cette pièce de viande de quatre-vingts kilogrammes. J’aurai pu, depuis longtemps. Mais jamais je ne pourrais faire cela. Everest était mon meilleur ami, mon compagnon, mon alter ego. Je réalise également, que comme moi, lui non plus n’avait rien avalé, lui aussi vivait avec une pièce de viande ambulante d’un mètre soixante-neuf et de cinquante-quatre kilos, lui aussi avait dû y penser.

   Je n’ai jamais imaginé ma vie de la sorte. Comme tous les enfants nés dans une zone de quarantaine, j’aurais pu simplement grandir, à l’abri du monde extérieur entre les quatre murs de pierre. Après la grande peste et l’éradication de la majorité de la population, vivre dans une zone de quarantaine était un véritable El Dorado. J’aurai pu manger à ma faim, trouver un travail, acheter une maison un jour, vivre assez longtemps pour connaitre mes petits-enfants. Mais non, il a fallu que je naisse avec un esprit différent, peut-être un intellect légèrement supérieur. Ma vie a basculé quand j’ai commencé à lire, des textes scolaires au  début, puis historiques, et enfin : politiques. J’aurai pu vivre dans l’ignorance, au jour le jour. 

   Lire un livre, vouloir faire la révolution était une idée agréable, l’appliquer était bien plus dur. J’aurai pu continuer de n’avoir que cela, des idées. Puis je l’ai vue, je l’ai vécu. Cette injustice, cette oppression, cette dictature. Ils sont venus, comme n’importe quel jour, ils l’ont pris comme n’importe qui, je ne l’ai jamais revu. Ce n’était pas le premier, ce ne sera pas le dernier. Personne n’a rien dit, comme je n’avais rien dit quand ils ont pris ce politicien, puis mon voisin et mon cousin. Je faisais partie de cela, en ne disant rien je l’avais accepté, j’étais complice.

   Ce même jour où j’ai décidé de ne plus vivre dans la servitude, j’ai rencontré Everest. Des chasseurs l’avaient ramené après avoir tué la meute. Dans un dernier affront à Mère Nature, ils avaient voulu le garder captif, dernier représentant de sa race, une simple bête, un trophée de chasse.
J’aurais pu le laisser, partir sans un bruit dans l’obscurité de la nuit. Pourtant j’ai plongé mes yeux dans les siens. Je n’oublierais jamais cet instant, gravé dans mon cœur au fer rouge. J’y ai alors vu la vérité. Dans son regard je lisais la peur, la douleur, le supplice, l’impuissance, la honte, la faim, le questionnement, l’inquiétude et la tristesse. Non, c’était le regard le plus humain que je n’avais jamais vu, ou devrais-je dire, le moins humain. Aucune trace de violence, de fierté ou de colère. Aucune trace de haine, d’avidité ou de vengeance, toutes ses émotions qui transforment l’humain en cette créature destructrice. De tous les êtres vivants vivant dans ce camp, lui seul n’était pas une bête.

   Après un rugissement sonore de mon ventre, je décide de braver le froid. Mourir de froid ou mourir de faim, mon choix est vite fait. Mes muscles me tiraillent, mon corps est faible. Everest se lève difficilement, et péniblement, il me suit vers l’entrée principale. Un couteau à ma ceinture, un arc de fortune sur mon dos, un loup à mes côtés, je suis prête.
 Le froid me transperce la peau. Chaque respiration est un vrai calvaire. Pour sûr, Don Quichotte est un idiot.




Merci beaucoup à River d'avoir proposé son texte ! 

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